La demi-finale des garçons s'est jouée. Et la Star Ac continue sans son grand petit gars de la Manche.Les fans de Mathieu étaient réunis, mercredi soir, au Normandy. Malgré leur soutien, Mathieu quitte le château de la Star Ac.C'est un jeu d'échec. Et de dames. De beaucoup de dames. Le Normandy est rempli de fiiiiiiiiiiiiiilles déchaînées qui hurlent « Mathiiiiiiiiiiiiiieu », de mamans qui portent des petites poulettes elles-mêmes porteuses de pancartes bricolées maison. Et de quelques grands-mères guillerettes qui chaloupent et 'tripent' aussi bien que des midinettes. L'ancien manège des haras nationaux, recyclé en noire et splendide salle de concert, a rameuté 750 groupies de l'enfant du pays. Ça s'est passé mercredi mais les images tournées par TF1 sont passées en ce funeste vendredi soir où Mathieu Johan, 'academycien' émérite a mordu la poussière. La poussière des étoiles bien entendu.
Qu'importe ce faux direct, l'essentiel est cette vraie joie à montrer que l'on est heureux d'être entre soi, entre Saint-Lois. Et que la petite ville de la Manche « a été citée tous les jours à la télé grâce à ce gamin posé, poli, qui s'exprime bien, qui est plus mûr que les autres, qui chante pas mal du tout mais qui danse, hélas, comme un fer à repasser », vous hurle cette retraitée qui s'encanaille. Il danse si mal ? « Il est scotché, tranche Élodie la collégienne, mais dès qu'il chante, il déchire grave. »
Ce jeune homme a impulsé quelque chose en cette fin d'année très faste pour la Normandie conquérante : « On aura eu de belles étrennes dans la région.Une Miss France de Falaise et notre Mathieu en demi-finale de la Star Ac ». Vive nous ! Vive le Calvados et vive la Manche ! Il ne reste plus qu'à gagner le Prix d'Amérique avec un cheval de l'Orne et ce sera le grand chelem régional des gloires du tout écran.
Vendredi, Mathieu a donc tiré sa révérence. Mathieu Johan (son nom d'artiste) est redevenu Mathieu Lepresle (son état civil) au terme d'un parcours chaotique. Il avait pourtant mal emmanché son affaire le petit gars de la Manche. Il lui a pris - qu'est ce qu'il lui a pris ? - de se déclarer « D'Ile-de-France » avant de se souvenir qu'il était de Saint-Lô. Et là, la mayonnaise a pris. Par trois fois, le vote du public de la Star Academy 4 a rattrapé ce grand garçon d'1,93 m par les cheveux qu'il a aussi bien peignés que ceux de François Fillon ou ébouriffés comme Jacques Higelin, selon l'humeur du jour et le vent qui souffle : « Il est charmeur, un peu tombeur, très gonflé », reconnaissent ses amis musiciens restés au pays.
À Paris, il embrasse tout le monde.Au Château, cette caserne luxueuse d'apprentis chanteurs, ses concurrents l'ont surnommé le « serial kisseur » (l'embrasseur en série). À 24 ans, beau gosse, il fait craquer les filles et fondre les grands-mères.
À Saint-Lô, il est connu comme le loup blanc, ce « gentil petit petiot », comme dit Anne-Marie, une voisine. Sa mère, Éliane, infirmière libérale, l'a élevé seule. Ils ont longtemps vécu dans le quartier HLM du Val Saint-Jean où, très tôt, il s'avère meilleur comédien que bon élève. Ses études au collège Pasteur sont, disons, peu mirobolantes. Mais ses prestations d'acteur et de chanteur amateur font date. Pour ses 18 ans, il invite et distrait 200 voisins et copains. Il crée même les « Mathieuseries », fait preuve d'un aplomb et d'une amabilité qui lui ouvrent toutes les portes. À l'exception de celle du baccalauréat. Mais on ne peut pas être bon en tout.
Mathieu Lepresle sait ce qu'il veut.Et veut ce qu'il sait. Il chantera. Il chantera n'en déplaise à ceux que cela fait sourire. Il enregistre un disque. Sa chanson « À fleur de peau » se vend à mille exemplaires. Il anime une émission à Radio Manche, se produit sur les podiums locaux. Et bingo ! La Star Ac lui ouvre ses portes. Et la France qui regarde, hypnotisée, remarque ce grand échalas (en Manche, on dit un « quinze-côtes ») aux allures « souchoneuses » et au grain de voix « obispien » qui lui fait du gringue.
Ça a marché jusqu'à vendredi soir. Jusqu'à se voir préférer Gregory de Chambéry que le perdant a appelé « Le Petit Prince ». Beau joueur avec ça.
Sa mère a promis que la fête de mercredi aurait une grande soeur : « Ce que nous avons su faire, on saura le refaire quand il sortira », a-t-elle promis devant la foule qu'elle a su mobiliser. Car Éliane Lepresle a envoyé 1 500 mails tous azimuts pour mobiliser les amis et soutenir son petit. L'infirmière de Pont-Hébert sait décidément administrer de solides et maternelles piqûres de rappel.
Voilà, c'est fini. Encore que. Il reste aux Saint-Lois le souvenir d'un conte de fée télévisuel, un rendez-vous quotidien, chanté et enchantant, un truc pas vital mais pas si anodin qui a transformé la ville de 20 000 habitants en paroisse cathodique, solidaire, fêtarde comme elle ne se soupçonnait pas, fière d'elle-même et de son « gentil petit petiot ». Il reste la petite pancarte de Clara qui claironne : « Mathieu t'es le plus grand ». Et qui reste très vraie. Cette semaine, le magazine Télé Loisirs a fait sa Une avec « M. le gentil ». Le journal est introuvable à Saint-Lô, de la Dollée à la rue Torteron. Forcé « qu'il déchire grave » le Mathieu : on se l'arrache...
par : François SIMON